Geneviève STRAUS
  (22.12.1849 - 22.12.1928)
Geneviève Marie Raphaëlle HALEVY est la fille du célèbre musicien Fromental HALEVY [cliquez ici] et de Hannah Léonie RODRIGUES-HENRIQUES. En premières noces, elle épousa le très célèbre musicien Georges BIZET [cliquez ici], qui mourut très jeune et se remaria à 37 ans avec Emile STRAUS, avocat des Rothschild.
Elle épousa le 3 juin 1869 à Paris, Georges Bizet (1838) qui 
  en était très amoureux et qui dut attendre longtemps avant de 
  pouvoir l'épouser, faute d'être juif.
  Elle passa sa lune de miel à Saint-Gratien, chez Hippolyte Rodrigues. 
  Elle s'installa ensuite 22 rue de Douai jusqu'en 1886. 
  Georges Bizet mourut en 1875 pendant les premières représentations 
  de Carmen qui n'avaient guère de succès.
  
  Elle épousa ensuite en 1886 Emile Straus.
Que dit d'elle le journal des Goncourt 
  ?
  "Elle est en robe de chambre de soie claire,... paresseusement enfoncée 
  dans un profond fauteuil, avec la mobilité fiévreuse 
  de ses doux yeux de velours noir, avec la coquetterie des poses maladives, ayant 
  sur ses genous Vivette, une caniche noire... 
  Et le décor est charmant autour de la femme. Sur un panneau, en face 
  d'elle, se trouve un splendide Nattier . . ."
  [Journal des Goncourt, 28 mars 1887]
  "Elle faisait craindre, dans la constitution de sa cervelle, l'alliage 
  de la folie des Halevy avec la folie des X***, dont était sa mère 
  . . ."
  [Journal des Goncourt, 21 avril 1890, les X*** sont donc les Rodrigues]
  
  Elle portait en elle un fond de neurasthénie hérité de 
  sa mère Hanna-Léonie Rodrigues (dont Delacroix évoque la 
  névrose dans son journal).
  Elle tint un salon brillant de 1886 à 1925 
  (son jour était le samedi) dans un entresol du 134 boulevard Haussmann, 
  à l'angle de l'avenue de Messine; on y voyait Marcel Proust, 
  Paul Bourget, Charles Gounod, Jules 
  Renard, Forain, Degas, Maupassant, 
  Meilhac, Montesquiou, mais aussi la princesse 
  Mathilde, la comtesse de Chevigne et la comtesse Greffulhe, et Charles Haas 
  (un des modèles de Swann dans Proust).
  Morte en 1926 à Paris, elle lègua les droits de "Carmen" 
  à la fondation ophtalmologique Rothschild.
  
  Maupassant fit le portrait de Geneviève Halévy dans la Mme de 
  Burne de "Notre Coeur".
  Célèbre par son esprit, Geneviève Halévy fut chez 
  Proust un des modèles de la princesse de Guermantes
  (les autres étant la comtesse de Chevigne et la comtesse Greffulhe ).
  A une dame qui voulait la convertir au catholicisme, elle répondit: "J'ai 
  trop peu de religion pour en changer".
Certains auteurs qualifient Geneviève Straus, qu'on a appelée la Muse Mauve, de muse et d'égérie de Marcel Proust
Madame Straus et l'affaire Dreyfus
  Vers octobre 1897, un dimanche soir chez les Straus, Reinach dévoila 
  l'affaire Esterhazy (Walsin-Esterhazy) et la question du bordereau devant Porto-Riche, 
  Lemaitre, Forain et Gustave Schlumberger; ces trois derniers ne revinrent plus 
  chez les Straus.
  
  "Il faut maintenant que je raconte comment je désertai ce salon 
  que j'avais tant aimé, durant tant d'années. C'était tout 
  au commencement de l'Affaire, au mois d'octobre 1897 à peu près. 
  On commençait à en parler beaucoup, mais encore à mots 
  couverts. J'avais été étonné de voir à quel 
  point Mme Straus, que j'avais toujours connue païenne, si prodigieusement 
  indifférente à toute notion de race ou de religion, qui plaisantait 
  volontiers son mari passionément juif d'opinion, combien, dis-je, elle 
  s'intéressait aux débuts du drame... J'étais loin de me 
  douter qu'un jour elle deviendrait, à propos de ce procès, comme 
  beaucoup d'autres Israélites jusque-là uniquement mondaines, une 
  véritable femme de tribu juive, furieusement attachée à 
  démolir toute la vieille France pour prouver l'innocence de celui que 
  tant d'autres croyaient coupable". Gustave Schlumberger, "Mes 
  Souvenirs, 1844-1928", t. I, Plon, 1934, pp. 305-308 [Kolb]
Car le quartier général du dreyfusisme fut sans nul doute le salon de Geneviève Straus, au coin du boulevard Haussmann et de l’avenue de Messine, fréquenté par toute l’intelligentsia. C’était l’un des esprits les plus pétillants du Paris de l’époque. George D. Painter a raconté, dans sa biographie de Marcel Proust, comment on se colportait ses bons mots, dont certains sont passés dans le langage familier. A Gounod, par exemple, qui faisait remarquer qu’un passage de « l’Hérodiade » de Massenet était « parfaitement octogonal », elle répliqua, superbe, « j’allais le dire ». La légende veut que le jour de la dégradation de Dreyfus, elle se soit vêtue de noir et que, pour les mondains, l’Affaire ait véritablement commencé par ce manifeste vestimentaire. Geneviève Straus sera bien évidemment la première à recevoir Dreyfus de retour du bagne. Ces quatre années de bataille parisienne n’ont en rien émoussé son esprit : quand il arrive dans son salon, elle se précipite à son devant : « Ah, capitaine ! J’ai tellement entendu parler de vous ! »
Madame Straus en villégiature.
  13 avril 1896
  "M. et Mme Straus sont rentrés hier à Paris d'un petit 
  déplacement à Trouville. Nous espérons que le changement 
  d'air aura complètement remis la santé de Mme Straus, et qu'elle 
  pourra reprendre ses dimanches d'une intimité si charmante. Ce n'est 
  qu'au mois de mai qu'elle convia ses amis à venir applaudir la pièce 
  que chaque année M. Meilhac écrit à son intention et qu'interprète 
  traditionnellement la grande artiste, Mme Rejane".[Gaulois du 13 avril 
  1896, p. 2 [Kolb]
  
  Lundi 20 juillet 1903. Informations. Mondanités. "Viennent de 
  s'installer sur la hauteur de Trouville: M. et Mme Emile Straus, au Clos des 
  Mûriers..."
  Journal du lundi 20 juillet 1903, p. 3:3 [Kolb]
  Septembre 1904. Un Salon Parisien à la Campagne. [photographie] "Dans 
  le grand salon du Clos des Mûriers, Mme Straus, assise dans un fauteuil 
  à oreilles, cause à demi retournée, avec le comte Mathieu 
  de Noailles, qui est, avec sa femme, des intimes de la maison; la baronne de 
  Pierrebourg, qui est une voisine et une amie, est accoudée à l'extrême-droite 
  du tableau, tandis que sa fille, Mme de La Salle, cause avec M. Jacques Bizet, 
  fils de Mme Straus.
  Tout ce que la gloire des arts, un entourage choisi et la noblesse de l'esprit 
  ajoutent à la fortune, donnent à Mme Straus le rang qu'elle occupe 
  dans le monde parisien. Fille de l'auteur de "La Reine de Chypre", 
  veuve de l'auteur de "Carmen", cousine de l'auteur de "L'Abbé 
  Constantin", ayant épousé en secondes noces un avocat illustre, 
  elle a groupé autour d'elle les gloires des arts, des lettres, du barreau, 
  et simplement du monde".
  La Vie Heureuse de septembre 1904, pp. 165-166 [Kolb]
Bibliographie:
  -- Chantal Bischoff, "Geneviève Straus: trilogie d'une égérie", 
  Paris, Balland, 1992, 308 p.
  -- Andrée Jacob, "Il y a un siècle, quand les dames tenaient 
  salon", Paris, A. Seydoux, 1991, 219 p.
  (sur la Comtesse de Loynes, anti-dreyfusarde, 1837-1908, et Geneviève 
  Straus, dreyfusarde,1849-1926)
  -- Marcel Proust, "Correspondance avec Madame Straus", préface 
  de Susy Mante-Proust (1903-1986) Paris, Union générale d'éd., 
  1993, 318 p.
  collection 10/18 suivi de lettres de Marcel Proust à Emile Straus et 
  en appendice, treize lettres de Geneviève Straus à Marcel Proust.
  - Françoise Balard, "Geneviève Straus, Biographie et 
  correspondance avec Ludovic Halévy 1855-1908", CNRS-Éditions 
  (2002), ISBN : 2 271 06073 7, 448 pages.
La recherche sur Internet par Google, donne 125 réponses pour "Geneviève 
  Straus", dont celle-ci 
  qui en donne trois portraits
  
Beau portrait peint par Jules-Elie Delaunay, Musée d'Orsay à 
  Paris.