Le Château de FROMONT
Devenu présentement la Mairie de la Commune de RIS ORANGIS (Essonne), ce château a été acheté par Jacques Fromental HALEVY (1799-1862) en 1847 (ou 1855 ?), puis ( en copropriété ?) par son beau-frère Jacob Hippolyte RODRIGUES HENRIQUES (1812-1898) qui le conservera jusqu'en 1869.
Le contexte historique et familial.
Fromental Halévy est né le 17 Mai 1799 à Paris, rue Neuves-des-Mathurins, dans une maison détruite sous Napoléon III pour permettre la construction de l'Opéra Garnier où il s'illustrera par la suite. Son nom sera donné à la rue qui borde à droite le monument. Bien que d'origine askhénaze, il épousera en 1842 à l'âge de 43 ans une authentique sépharade, Hanna Léonie RODRIGUES HENRIQUES.
Hanna Léonie qui a alors 23 ans, est la fille d'Isaac Alexandre R.H. (1765-1834) et d'Ester GRADIS (1780-1839) et la petite fille de nos ancêtres Abraham R.H. (1735-1800) et Rebecca MENDÈS NÜNÈS (1732-1789).
Son unique frère, Jacob Hippolyte R.H.(1812-1870), devient en 1840 agent de change à la Bourse de Paris et banquier. Il épousera en 1836 Mathilde SALOM dont il aura 3 enfants : Edgar , Valentine et Fernand.
Hanna Léonie est une cousine germaine d’Aaron Henry R.H: Son père Isaac Alexandre est en effet le frère de Benjamin R.H., lui-même père d'Aaron Henry.
Il ressort de ces diverses alliances que (Aaron) Henry R.H., Fromental Halévy et (Jacob) Hippolyte R.H. étaient cousins germains, ce qui explique par la suite bien des choses.
Hippolyte R.H. était, comme son cousin plus âgé Henry R.H., agent de change près la Bourse de Paris. Sa situation de fortune lui permit d'aider à plusieurs reprises sa sœur Léonie et son beau-frère Fromental. Les deux ménages étaient donc très liés et semblent avoir souvent cohabité pendant la belle saison, dans leur propriété (commune?) de Fromont.
Le reste du temps, Hippolyte qui a pris sa retraite en 1855, demeure à Saint Gratien petite commune de la banlieue parisienne située près d'Enghien, à une quinzaine de kilomètres au nord-est de Bougival, tandis que Fromental nommé en 1854 Secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux Arts, habite avec les siens sa résidence de fonction à l'Institut, Quai Conti, à Paris.
Rappelons qu' Henry R.H., puis à partir de 1856 son fils Georges (1830-1885) sont installés de manière permanente à Port-Marly dans leur château des Lions, à proximité immédiate de Bougival. C'est justement là que demeureront quelques années plus tard Georges BIZET (1838-1875) et sa femme Geneviève (1849-1926), la propre fille de Fromental Halévy et de Léonie R.H.
C'est dans ces circonstances qu' Eugêne DELACROIX va interférer dans la vie familiale des Rodrigues Henriques..
Le peintre Eugène DELACROIX (1798-1863), s'était en effet installé à partir de l'été 1853 dans une petite maison qu'il louait dans le hameau de CHAMPROSAY, sur la commune de Draveil, presque en face de Fromont, de l'autre côté de la Seine.
Eugène Delacroix était déjà à ce moment un artiste célèbre : il venait d'achever le Salon de la Paix pour l'Hôtel de Ville de Paris (incendié par la Commune en 1871), et allait réaliser (1857-1861) les deux grands tableaux (le combat de Jacob avec l'ange) qui ornent une des chapelles latérales de l'Eglise Saint Sulpice à Paris.
Bien qu'accompagné du renom flatteur d'être un fils de Talleyrand, d'avoir toujours été particulièrement bien traité en ce qui concerne les commandes publiques et d'Etat, Delacroix ambitionnait d'entrer à l'Académie des Beaux Arts qui, malgré ses sollicitations et son succès, l'avait jusque là éconduit.
Or son voisin, beau-frère de son excellent ami Hippolyte R.H., venait justement d'être élu Secrétaire perpétuel de cette prestigieuse institution ! Pourquoi ne pas plaider sa cause auprès de lui ?
Les extraits du Journal tenu par Delacroix entre les années 1855 et 1863, relatent ainsi un certain nombre de visites que Delacroix rend tant à Fromental Halévy qu'à Hippolyte R.H., dans leur château de Fromont et à Paris.
C'est peut-être aussi l'occasion pour la famille d'aider tel ou tel de leurs enfants à pénétrer le milieu fermé des grands artistes contemporains. En effet, deux jeunes Rodrigues Henriquès de la génération suivante, font état de leur intérêt pour la peinture: en premier lieu, Georges R.H. le fils d'Henry R.H. Il a 25 ans cette année 1855 et habite chez ses parents à Port Marly. Il aurait suivi, selon la tradition familiale, l'enseignement de François-Edouard PICOT 1786-1868), auteur d'un grand nombre de peintures officielles et continuateur des traditions de DAVID. Il deviendra une quinzaine d'années plus tard un élève et un ami intime de Camille COROT.
Le second serait Edgar R.H., le fils d'Hippolyte R.H.; Il n'a à cette époque que 18 ans..
Cette hypothèse, défendue par un expert international de la peinture au XIXè siècle le Professeur Ronald PICKVANCE, repose sur les termes dans lesquels Delacroix relate le dîner auquel il a été convié le 14 Juin 1855 à Fromont:
J'étais engagé à dîner aujourd'hui par Rodrigues et Halévy. J'arrive à Fromont (…)Je ne trouve que la bonne Mme Rodrigues ( c-à-d Mathilde Salom); ces messieurs sont à Paris et m'y ont écrit…)
Me voilà retenu et dînant avec cette bonne dame et des enfants (…) Après dîner, grande promenade dans le parc avec le jeune Rodrigues, jeune nourrisson de la peinture, suçant le lait de Picot, et me fatiguant un peu de sa naïve conversation (…). La vue de la Seine, de la terrasse d'en bas, est très belle et a même de la grandeur.
Ainsi, il apparaît plus probable que ce soit Edgar qui ait rencontré Delacroix que son cousin issu de germain Georges qui n'était plus un enfant, mais un jeune homme. La promenade à Fromont et non pas aux Lions, à Port Marly, conforte cette thèse. Mais alors qu'est devenu ce jeune Edgar ? A-t-il par la suite fait preuve de ses dons ? Seuls ses actuels descendants connus, la famille du Général Henri BLACQUE BELAIR (qui a épousé Fernande Rodrigues Henriquès, la fille d'Edgar R.H.) pourraient nous donner des informations à ce sujet.