La Clinique du Docteur BLANCHE

Une si grande famille que les RODRIGUES-HENRIQUES ne pouvait pas, bien entendu, ne pas payer son tribut à la maladie et en particulier à celle de l’esprit. Cest justement chez le fils d’un certain Esprit Blanche, Emile, tous deux aliénistes que vont se croiser, se suivre, se rencontrer même, plusieurs de ses membres: cet asile d’un genre nouveau qui tient plus de la pension de famille que de la clinique, c’est la fameuse "Maison du Docteur Blanche", créée en 1821, qui sera reprise en 1871 par mon arrière grand père paternel, André Isidore Meuriot, gendre de l’Academicien Henri Bouley. A la mort de cette personnalité porteuse de grandes qualités intellectuelles, son fils Henri reprendra le flambeau jusqu’à la vente de la propriété en 1922 et le transfert de la Clinique : d’abord au 161 rue de Charonne à Paris puis au Château du Bel Air à Villeneuve Saint Georges.

Tous n’y seront pas placés. Ainsi Fromental Halévy ne sera qu’un consultant : alors qu’il travaille à ses opéras « La Juive » puis « Charles VI », il présente, mais ce n’est que temporaire, les symptômes d’une "surexcitation nerveuse" complétée d’une "fébrile anxiété"… Cependant quelques années plus tard, son frère Léon est atteint d’un délire mélancolique qui va, lui, justifier plusiers séjours à Passy. Fernand Rodrigues Henriques, le fils de Jacob Hippolyte ne va pas bien non plus, son médecin considérant que " ce qu’il fait est complètement fou". Quant à Madame Rodrigues, veuve Lévy, cousine de Léonie et belle-sœur d’Emile Pereire, elle souffre d’ "impulsions hystériques" et a "des projets extravagants " …

Mais, c’est Hanna Léonie Halévy, née Rodrigues Henriques, qui y séjournera le plus longtemps, plus de quatre ans en tout, pour ce qui paraît être aujourd’hui une forme de psychose maniaco-dépressive. Mais l’état d’esprit de l’époque concernant la liberté des femmes rend nécessaire un regard critique sur la « folie au féminin » : Laure Murat souligne d’ailleurs que « le retour de Léonie chez elle et la relative bonne santé dans laquelle elle va se maintenir dans les années suivantes tendraient plutôt à démontrer que l’enfermement nuisait à son état »…Le 20 décembre 1866, elle a été néanmoins "interdite de sa personne et de ses biens" et mise sous la tutelle de son frère Jacob-Hippolyte comme le signale un acte notarié de reconnaissance de dette établi le 5 mars 1869. Au cours d’une de ses hospitalisations à l’occasion d’une phase d’ "agitation", son beau-frère Léon, en plein délire de persécution, et ses deux belles-sœurs, Flore et Mélanie, souffrant de "démence complète", seront internés en même temps qu’elle et y décéderont. Sa fille Esther, délicieuse musicienne, qui était venue l’accompagner quelque temps n’échappera pas à la malédiction, disparaissant en 1864 dans des circonstances curieuses quelques jours après avoir sauvé sa mère de la noyade dans un bassin du parc.
Mais ceci n’est qu’une goutte d’eau en comparaison de nombre de personnalités de l’époque qui passeront et, pour certains du moins, trépasseront à l’hôtel de Lamballe, ainsi Nerval, Gounod, Théo Van Gogh et Maupassant …

JH MAROTTE

Bibliographie : Laure MURAT -La Maison du Docteur Blanche-JC Lattès